Peinture isolante / peinture thermique : est-ce efficace ?
L’avis de Passerelle, agence d’architecture d’intérieur et de conseil en rénovation énergétique
La peinture isolante est souvent présentée comme une solution performante pour améliorer l'efficacité énergétique des bâtiments. En effet, elle promet de réduire les déperditions thermiques et d'améliorer le confort thermique intérieur.
Mais qu’est la peinture thermique, aussi appelée peinture isolante ?
C’est une peinture qui comprend notamment des résines synthétiques et différents composants céramiques qui lui confèrent des propriétés thermiques et réflectives (renvoi des rayons du soleil lorsqu’elle est en extérieur par exemple).
Prometteur ! Mais il est important d'aborder ce sujet avec discernement et de comprendre les limites de ces produits.
Promesses et limites de la peinture thermique
Promesse n°1 : Amélioration du confort thermique
La peinture thermique intérieure promet une amélioration de l’isolation de nos intérieurs, avec un coût plus faible (environ 30€/m²) que l’isolation classique des murs (entre 110 et 200 €/m²). Elle promet l’isolation avec une application plus facile et le tout sans épaissir les murs. Mais qu’en est-il vraiment ?
S’il est vrai que la peinture isolante peut légèrement jouer contre la sensation de “parois froides” grâce à ses propriétés réflectives de chaleur, elle ne remplacera jamais une vraie isolation murale avec une laine de roche, de chanvre, etc. On vous explique cela d’un point de vue physique.
La peinture thermique a globalement la même capacité isolante que le bois de pin (coefficient de conductivité thermique λ (“lambda”) = 0,15 W/(m.K)) mais à épaisseur égale ! Or 2 couches de peinture font au mieux 200 microns d’épaisseur. Par conséquent, on atteint au mieux une résistance thermique de R = 0,15 x 0,0002 = 0,00003 m².Kelvin/Watt. Par comparaison, France Rénov fixe un seuil à R ≥ 3,7 m².Kelvin/Watt pour une isolation intérieure pour l’attribution des aides MaPrimeRénov, soit 100 000 fois plus !
Pour réaliser une vraie isolation, on utilise préférentiellement des isolants qui ont des “lambda” bien plus bas que ce λ = 0,15 (ex : laine de chanvre λ = 0,039 W/(m.K)). La différence de valeur semble faible mais elle a une incidence forte sur la thermique du bâtiment !
Il est à noter également qu’en France, les vrais isolants sont certifiés par l’ACERMI, organisme de référence en matière de tests des isolants. Or j’ai vérifié pour vous, aucune peinture n’y est certifiée à ce jour !
En bref, c’est un peu comme si la peinture isolante vous renvoyait bien votre propre chaleur lorsque vous vous approchez d’un mur mais elle ne résout pas le problème des déperditions énergétiques globales de vos murs. Par conséquent, vous ne ferez pas des économies substantielles sur vos factures d’énergie malgré ce que les fournisseurs vous diront.
Promesse n°2 : Réduction de la chaleur l’été
La peinture thermique extérieure promet d’éviter la surchauffe de votre logement lorsqu’elle est appliquée en extérieur. Certes, la peinture isolante a des propriétés permettant de réfléchir la chaleur du soleil et donc de réduire légèrement la surchauffe du bâtiment. Mais notez que le taux de réflectance solaire (“TSR”, Total Solar Reflectance) dépendra aussi de la couleur choisie (en clair, plus c’est sombre, moins ça réfléchit la lumière).
Quoi qu’il en soit, la peinture thermique n’isole pas vraiment (comme discuté précédemment, la résistance thermique R est trop faible) et elle n’a pas de déphasage, c’est à dire qu’elle n’a pas la capacité à absorber la chaleur pour la rediffuser plus tard (la nuit lorsqu’il ne fait plus aussi chaud, par exemple).
Or c’est bien ce déphasage qui est intéressant pour améliorer le confort d’été ! Pour bien comprendre, notez que le déphasage s’exprime en heures, et un déphasage de 8h, signifie que la chaleur emmagasinée à 14h sera autour de 22h.
Promesse n°3 : Traitement des problèmes d’humidité
La peinture isolante promet de résoudre les problèmes d’humidité, notamment lorsqu’elle est hydrofuge.
Mais rappelons que les problèmes d’humidité peuvent avoir plusieurs origines (fuite en toiture, fuite de plomberie, condensation sur ponts thermiques, remontées capillaire du sol, etc.) et qu’il n’est jamais bon de recouvrir les dégâts sans traiter l’origine du problème !
Pourquoi ? D’abord parce que les désordres vont ressurgir dans le temps s’ils ne sont pas traités, ce qui vous aura fait perdre du temps et de l’argent. Lorsqu’on rénove, on rénove pour les habitants qui y vivront, soi-même ou son locataire et aussi tous les suivants !
Aussi parce que cela touche à la santé : en effet, l’humidité est généralement à l’origine d’une dégradation la Qualité de l’Air Intérieur (QAI). Elle peut favoriser le développement de moisissures, champignons, etc. et donc de problèmes respiratoires, allergies, maux de tête, etc.
Autre point d’attention : dans le bâti ancien (pierre, pisé, etc.), il importe de choisir des matériaux perspirants pour éviter d’enfermer la vapeur d’eau dans les murs (car ce type de murs “respire”). Une certains nombre de règles s’appliquent pour bien traiter la question de l’étanchéité à la vapeur d’eau (dégressivité du coefficient de résistance à la vapeur (“Sd”) au fur et à mesure que l’on traverse les parois, etc.) et on n’applique pas de peinture hydrofuge (donc étanche) sur une zone humide sans avoir étudié la problématique globale, au risque d’ajouter des désordres au bâti.
Mais alors que faire ? Cherchez l’origine de l’humidité : Absence de VMC ? Fuites ? Remontées capillaires ? Ponts thermiques ? Dans la mesure du possible, faites-vous aider par des spécialistes : conseillers en rénovation, habitologues, etc. Ils pourront vous apporter des conseils pour améliorer votre confort thermique dans son ensemble.
En conclusion
La peinture isolante paraît attrayante pour une rénovation énergétique à en croire les promesses des fabricants. Mais elle ne doit pas être perçue comme une solution isolation thermique au sens strict du terme. Elle ne changera pas le DPE de votre logement. Au mieux, elle réfléchira votre propre chaleur lorsque vous vous approcherez de vos murs intérieurs. Gardez en tête qu’elle est environ 20% plus chère qu’une peinture classique, qu’elle n’a pas une bonne performance thermique par rapport à de “vrais” isolants. Certains peintres professionnels vous diront aussi qu’elle est trop translucide et granuleuse. Sachez aussi que la peinture thermique n’est pas éligible aux aides à la rénovation énergétique.
Mon conseil ? Résistez aux sirènes du marketing et songez à une vraie isolation de votre logement.